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C’était remplir son devoir militaire envers le chef de l’Etat ; mais intérieurement, il se réservait aussi son rôle politique pour agir selon les circonstances : car il avait été trop bien informé des excès commis par l’empereur dans le Sud, il connaissait trop l’esprit entreprenant des populations de ce département, pour n’avoir pas pressenti un événement, surtout après que Geffrard y eût jeté les germes de leur conjuration. Par ses ordres, le général Germain Frère réunit les 11e et 12e demi-brigades, et partit aussi avec Pétion à leur tête. Ce n’est pas ce dernier qui eût pu commettre la faute de laisser Germain au Port-au-Prince : il chargea Lys de veiller à tout, avec le corps d’artillerie qu’il commandait. Bédouet, commandant de la place, n’était pas à craindre dans cette ville, lorsque Lys était secondé par des hommes tels que Caneaux, Lavelanet, Zenon, etc, tous officiers influens sur le corps d’artillerie.

À son arrivée à Léogane, Pétion y trouva le général Magloire Ambroise, commandant de l’arrondissement de Jacmel, qui, quoique malade, y était venu pour conférer avec lui et se laisser guider dans cette crise[1]. On a vu qu’au passage de l’empereur dans cette ville, il y avait excité le mécontentement de la population et une horreur générale, par l’infâme assassinat de Thomas Thuat. Quand les chefs des Cayes disaient à Christophe que Jacmel était pour leur cause, c’est qu’ils se flattaient que cet arrondissement était dans le même esprit. Pétion n’eut donc aucune peine à convaincre Magloire Ambroise de la nécessité de se joindre aux insurgés du Sud, comme il allait le faire lui-même, et il le renvoya à Jacmel pour

  1. Il est probable que Magloire vînt à Léogane, sur l’invitation de Pétion.