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tyran, étaient les porteurs de ces ordres écrits pour exterminer la malheureuse classe des anciens libres de toutes couleurs[1]. Dessalines, qui leur doit beaucoup, veut maintenant briser l’instrument dont il s’est en partie servi pour parvenir au faîte de sa grandeur ; il a réuni aux domaines les propriétés les plus authentiques : il a fait des levées de troupes ; il a fait faire des levées d’argent. Tous les cœurs étaient ulcérés, l’indignation était à son comble. Le peuple en masse s’est levé ; nous avons tiré l’épée, et nous ne la remettrons dans le fourreau que lorsque vous nous l’ordonnerez.

Nous ne vous cacherons pas, digne général en chef, que nous croyons votre indignation au moins égale à la nôtre ; et nous vous proclamons avec joie et à l’unanimité, le chef suprême de cette île. Sous quelque dénomination qu’il vous plaise de choisir, tous les cœurs sont à vous ; nous jurons, devant Dieu, de vous être toujours fidèles et de mourir pour la liberté et pour vous.

Nous ignorons quel est votre sort et votre position ; mais nous espérons que vous combattez en ce moment Dessalines. Nous avons appris indirectement que vous vous étiez emparé du trésor du Cap, et que vous aviez payé vos troupes. Nous venons d’en faire autant : notre trésor des Cayes s’est trouvé grossi par les exactions et les confiscations ordonnées[2].

Nous ferons marcher demain des troupes pour le Pont-de-Miragoane, en attendant que nous soyons surs des intentions du colonel Lamarre, à qui nous avons écrit au Petit-Goave et qui, certainement, ne se fera pas prier pour partager notre indignation.

Nous avons aussi écrit au général de division Gérin, en ce moment au Petit-Trou, pour lui offrir provisoirement le commandement des deux divisions du Sud.

Aquin, l’Anse-à-Veau et Jacmel sont pour nous et pour vous ; nous ne sommes pas encore surs de Jérémie, parce qu’il y a là deux

  1. On se rappelle dans quel sens était écrit le prétendu décret que Baillio dit avoir reçu, après le départ des trois aides de camp de Dessalines qui dînèrent chez lui en comité secret. Peut-être qu’à ce moment, Baillio remit-il cette pièce aux chefs des Cayes : ce que ne dit pas Pilié dans ses notes précitées.
  2. En cela, Inginac servit la cause de l’insurrection ; car, s’il n’avait pas fait entrer des fonds à la caisse publique, on n’en aurait point trouvé pour payer les troupes. Et quoiqu’on ait qualifié ses opérations de confiscations et d’exactions, on n’a rien remis à personne.