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et Guillaume Lafleur. Au fait, c’était presque ordonner de les juger à mort : c’est ainsi qu’on le comprit aux Cayes, comme on le verra bientôt. Ce fut peut-être un tort : ces deux hommes ne pouvaient guère nuire aux succès de l’entreprise, G. Lafleur surtout ; en les tenant captifs, on eût pu épargner deux actes sanglans à cette réclamation de droits. Mais, dans ces sortes de crise politique, on redoute toujours ceux dont on se méfie ; les passions se donnent alors une pleine carrière.

Une autre mesure était plus essentielle : c’était d’informer le général en chef de son acclamation dans le Sud, des causes des événemens qui avaient amené cette mesure. Gérin se décida à écrire une lettre à cet effet à H. Christophe : nous en donnons un extrait.

À l’Anse-à-Veau, le 12 octobre 1806.

Le Général de division, ministre de la guerre et de la marine,

Au Général en chef de l’armée d’Haïti.
Mon cher général,

Tous les militaires et le peuple vous regardent depuis longtemps, comme le successeur au gouvernement d’Haïti. La tyrannie qu’exerce sur l’armée et le peuple d’Haïti le génie destructeur de l’empereur actuel, a fait rompre le frein au peuple de la partie des Cayes… Le général Moreau a été arrêté par le peuple, et les troupes ont demandé leur paye… leur état fait pitié ; je vous ai vu gémir sur leur sort. Comme ministre de la guerre, par la constitution, je dois faire payer les troupes ; mais S. M. ne m’a jamais témoigné le moindre désir de les faire solder. Alors, honorable général, ne serait-il pas de votre dignité de prendre à cœur la cause des troupes et du peuple, et de me donner vos ordres ? Car, si les chefs ne montrent pas de l’énergie, le pays sera bouleversé de fond en comble par les suites des démarches inconsidérées du chef du gouvernement… Mais la liberté, grand Dieu ! est un vain nom dans ce pays, qu’on n’ose plus prononcer ouvertement, quoiqu’il soit placé à la tête des actes ; mais elle n’existe que là. On a usurpé