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campêche qu’il trouva sur sa route, s’exprima de manière à prouver qu’il voulait pousser la population du Sud à la révolte, pour trouver l’occasion d’y renouveler les horreurs de 1800 et 1801. S’il est vrai que B. Tonnerre, Mentor et B. Déléard contribuèrent, par leurs conseils ou leurs applaudissemens, à cette pensée homicide, même dans l’espoir qu’il perdrait sa tête à ce jeu, ils ont été bien coupables, bien criminels !

Etant à Jérémie, l’empereur chargea le colonel Bazile du commandement provisoire de l’arrondissement, vu la maladie du général Férou ; et la place fut confiée à René, chef de bataillon. Qu’il eût des soupçons contre Férou ou non, la maladie de ce dernier autorisait cette mesure par rapport au service. Bazile, né dans l’Ouest, avait été dans les troupes de Toussaint Louverture et fut nommé commandant du Corail, en 1800. Quoique dévoué à Dessalines, par ces antécédens mêmes, c’était un homme modéré : déjà, à cause de son dévouement, il avait été suspecté de projets inhumains, mais sans fondement ; il s’en était plaint à l’empereur, par une lettre en date du 22 juin 1805[1], où il rendait justice aux sentimens personnels de Férou avec qui il avait fait la guerre de l’indépendance, et où il priait l’empereur de le retirer du Sud. Dès qu’à Jérémie, on vit Dessalines si animé de fureur et placer Bazile au commandement de Férou, on supposa les plus mauvais desseins à cet officier, parce que les préventions populaires, suggérées le plus souvent par l’erreur, ne savent point tenir compte aux gouvernemens qui se croient menacés, des nécessités de leur situation, ni aux hommes dévoués qui servent sous eux, de ce que

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 252.