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Le dernier livre de la période française de cet ouvrage a démontré, au contraire, comment leurs illusions à cet égard furent promptement dissipées, comment ils furent victimes de crimes nouveaux, inventés comme à plaisir pour les replacer dans une honteuse servitude.

Mais il a prouvé aussi, par quelle heureuse concorde les deux branches de la race noire, confondant leurs destinées, puisant une nouvelle énergie dans leur dignité d’hommes libres, surent encore s’unir étroitement pour résister aux valeureux guerriers que le gouvernement consulaire avait envoyés à Saint-Domingue.

Leur triomphe ne fut pas seulement le résultat de leur courage, de leur aptitude à la guerre, mais aussi des idées de liberté et d’égalité que la France leur avait inculquées, des principes humains qu’elle avait si loyalement proclamés au début de sa révolution. Enfin, Noirs et Mulâtres se montrèrent dans cette lutte acharnée, aussi bien contre elle-même que contre la Grande-Bretagne, dignes de l’éducation politique qu’ils avaient faite sous ses glorieux drapeaux.

Que la France s’en prenne donc, sinon à elle-même, du moins à la politique injuste et décevante du Directoire exécutif et du Consulat, aux crimes de leurs agents à Saint-Domingue, si cette colonie lui a échappé des mains ! Ces gouvernemens surtout en sont responsables devant elle ; car on sait quelle est l’influence du pouvoir politique sur les peuples.

S’il était nécessaire de démontrer cette assertion, nous n’aurions qu’à reproduire ici les aveux de l’auguste captif de Sainte-Hélène, reconnaissant son erreur, son tort, la faute qu’il commit en voulant soumettre Saint-Domingue par la force.