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contresigna en sa qualité de ministre de la guerre et de la marine ; mais ce n’est pas qu’il fût avare de projets, qui lui attiraient des plaisanteries de la part de J. Chanlatte et de Boisrond Tonnerre, les grands rédacteurs des actes : plaisanteries auxquelles s’amusait l’empereur lui-même, qui ne lui épargnait rien à ce sujet, non plus qu’à son ministre des finances[1].

Peu de semaines après que ce décret eût été rendu, le 10 mars, le général Jean-Louis François mourut à l’Ànse-à-Veau. Né dans la commune des Cayes en 1769, il avait atteint sa 37e année et était par conséquent dans toute la force de l’âge ; mais ses services militaires, ses blessures avaient ruiné sa robuste constitution. Fils d’affranchis noirs, il se trouva comme beaucoup d’autres hommes de sa classe, au premier campement qu’ils firent à Prou, en 1790, sous Rigaud ; il prit part, à tous les événemens politiques, à toutes les guerres qui s’ensuivirent, se conduisant toujours avec honneur sous tous les rapports, et se distinguant par sa bravoure sur le champ de bataille, par sa modération dans les affaires publiques. Signataire de l’acte d’indépendance, il fut généreux envers des ennemis vaincus, s’associant en tous points à la conduite de Pétion qu’il seconda si bien au Haut-du-Cap, à celle de Geffrard qu’il seconda aussi dans le Sud. Il a mérité et obtenu l’estime générale de ses concitoyens, les vifs re-

  1. Ce que nous disons ici des plaisanteries dont Gérin était le sujet, se trouve confirmé dans la diatribe de J. Chanlatte publiée au Cap en 1807, contre le Sénat de la République d’Haïti, li dit de sa manie de proposer des plans : « Que de rouleaux de papier ! il en a jusque dans les bords de son chapeau galonné. »

    Après la mort de Dessalines, à son tour, le peuple constata cette habitude d’une manière flatteuse pour Gérin : il fit une chanson où l’on disait de lui : Vieux ministre dit : Oui, faut payer (les troupes) ; l’empereur dit : Non, n’y a point l’argent.