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teur des institutions républicaines d’Haïti, — le chef qui la fera respecter au dehors par sa probité politique, — l’interprète de la justice nationale qui morcellera les biens des anciens colons, pour les distribuer à tous ses concitoyens sans distinction, afin de faire naître le bonheur général du bonheur individuel ; — mais en même temps, le sage législateur qui consacrera dans son pays le respect dû au droit de propriété, en posant les bases d’une transaction équitable avec la France, pour la réconcilier avec Haïti et la porter à reconnaître solennellement son indépendance et sa souveraineté ?

Et c’est cet homme, ce grand citoyen, que vingt jours auparavant, un despote, oublieux du dévouement qu’il montra à son autorité, voulait faire assassiner lâchement dans son palais, où il l’avait appelé pour solenniser la fête de l’indépendance nationale ! Ah ! la justice de Dieu ne permet pas toujours que des crimes aussi affreux reçoivent leur exécution : elle sait devenir un bouclier pour ses élus, elle sait même inspirer aux êtres les moins sensibles, l’idée de concourir à leur conservation, par l’effet des prétentions ambitieuses qu’ils nourrissent dans leurs cœurs.


À côté du déni de justice fait à J. Lewis par le gouvernement impérial, l’Histoire d’Haïti (t. 3, p. 262 à 265) place divers autres faits que nous devons nous-même reproduire, comme caractérisant l’esprit défectueux, déplorable, de ce gouvernement.

Il paraît qu’à un voyage de Dessalines au Cap, un instituteur nommé Laborie amena ses élèves au palais pour les présenter à l’empereur, et que celui-ci l’accueillit avec rudesse, en lui disant qu’il se réservait de former de ces enfans, un régiment sous les ordres de son fils Innocent.