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pas consultés aussi plus tard, quand il s’agirait de se défaire de lui. Il se peut bien, et croyons-le pour l’honneur du cœur humain, qu’il se ressouvint de la conduite tenue à son égard par Pétion, lorsque la fureur de Petit Noël, de Sans-Souci et de leurs Congos se déchaînait contre lui. Mais, en donnant son avis le premier, il était trop adroit pour essayer de justifier ces deux généraux, pour chercher à dissiper les préventions de Dessalines qu’il savait égales contre lui-même, quoique ce fût pour d’autres motifs.

Christophe dit donc à Dessalines, qu’il croyait, comme lui, que Pétion et Geffrard se préparaient à recevoir Rigaud dans le pays ; qu’il avait également remarqué le retour successif de tous ses anciens officiers. Mais il ajouta qu’il ne pensait pas que le moment fût opportun pour se défaire de ces deux généraux ; que l’empereur ne devait pas méconnaître qu’ils étaient très-influens sur l’armée et sur le peuple ; que les troupes de l’Ouest et du Sud, les populations de ces départemens leur étaient dévouées ; que s’il les faisait mourir de cette manière, il était à craindre qu’il y eût un soulèvement général dans l’Ouest et dans le Sud, et que même les troupes de l’Artibonite et du Nord qui avaient vu leurs faits d’armes dans la guerre de l’indépendance, pourraient se laisser séduire, ou du moins ne se prêteraient pas avec vigueur à la répression du soulèvement. Enfin, il le conjura d’attendre un peu pour laisser à Pétion et Geffrard le temps de démasquer leurs vues et leurs intrigues ; qu’alors, tout-puissant comme il était, l’empereur pourrait facilement anéantir eux et leur faction. Il mit dans cette dernière partie de ses conseils toute l’animation de son caractère, et d’un ancien partisan de Toussaint Louverture contre Rigaud : il parut en cet instant un serviteur dévoué à Des-