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rôle qu’avait joué Sixte-Quint pour mieux cacher son ambition, c’était le dénoncer à l’opinion publique, sinon à l’empereur lui-même. Nous avons fait remarquer aussi le passage de ses Mémoires, où il invoquait l’animadversion des lois contre les Haïtiens qui voudraient protéger un seul Français. Bien que dans cette brochure il ait fait un grand éloge de Geffrard pour avoir ménagé ses concitoyens des Cayes pendant le siège de cette ville, il se peut, il est probable qu’il désapprouva sa conduite quand il sauva la vie à quelques Français. Son intimité avec Mentor, l’extravagance de ses idées, sa conduite immorale, peuvent encore faire admettre que, pour plaire à l’empereur qu’il savait prévenu contre Geffrard, son ambition aura cru qu’il fallait adopter le plan de Mentor contre les anciens généraux, afin de les remplacer ; qu’il l’aura enfin secondé dans ses conseils perfides. D’autres faits seront articulés à la charge de Boisrond Tonnerre, envers des hommes du Sud, qui donnent à penser qu’il excitait Dessalines contre ce département.

Quoi qu’il en soit, revenons au conseil tenu par ce dernier dans sa chambre, et disons ce qui suivit sa déclaration à H. Christophe, Romain et Pierre Toussaint.

Dans la situation d’esprit où se trouvait Christophe, après la mission qu’il avait fait remplir par Bruno Blanchet auprès de Geffrard et de Pétion, après l’avis secret que lui donna A. Dupuy, il était trop intelligent et trop ambitieux pour ne pas apercevoir, avec sagacité, tout le parti qu’il pouvait tirer de l’aveuglement de l’empereur, pour son élévation personnelle. Il dut reconnaître que, si Dessalines le consultait pour avoir son concours dans l’assassinat de Pétion et de Geffrard, rien ne lui garantissait à lui-même que d’autres officiers supérieurs ne seraient