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la tête de Germain Picot fut mise à prix : quelque temps après, elle fut tranchée et apportée aux Cayes.[1]

Cette échauffourée ainsi terminée, et les ordres impériaux exécutés avec non moins de promptitude, Geffrard se remit en route pour Marchand où il arriva dans l’après-midi du 1er janvier 1806. Il fut porteur lui-même de la nouvelle de la révolte et de sa répression. Ce qui devait lui assurer à jamais l’estime et la confiance de Dessalines, fut au contraire ce qui porta l’empereur à vouloir le faire assassiner peu d’heures après : un tel militaire, capable de choses semblables, lui parut trop dangereux pour son pouvoir, après les soupçons, les préventions qu’il avait conçues contre lui. Geffrard n’était pas le seul qui dût subir cette tyrannique décision ; aux yeux de Dessalines, Pétion méritait le même sort.

En effet, dans la soirée du 1er janvier, les salles du palais impérial resplendirent de lumières pour le bal qui devait clore la fête de l’indépendance. Le bal, la danse, étaient devenus aussi nécessaires à Dessalines, que les Te Deum à Toussaint Louverture ; et, de même que celui-ci méditait ses crimes pendant cette cérémonie religieuse, de même, en cette circonstance, son ancien lieutenant saisit l’occasion de cette nuit de réjouissances consacrées à l’indépendance d’Haïti, pour méditer le sacrifice impie des deux généraux qui y avaient le plus

  1. L’Histoire d’Haïti, t. 3, p. 267, rapporte la révolte de Germain Picot, après la mort de Jean-Louis François, arrivée le 10 mars 1806 : elle le représente aussi comme un laboureur (cultivateur) qui n’était que mécontent ; elle dit encore que Geffrard s’était hâté d’étouffer cette révolte « parce qu’elle avait éclaté en dehors de son influence, etc. » Mais nous avons des notes positives qui assignent cette révolte et ses causes, ainsi que nous le disons. Geffrard ne conspirait pas encore contre l’empereur. La tête de Germain Picot fut portée aux Cayes, la veille de la mort de ce général.