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puis l’entrée de l’armée indigène au Port-au-Prince, en 1803, pour avoir pris part au pillage des troupes dans la rue des Fronts-Forts, ayant essayé des évader, Germain, de sa propre autorité, l’en fit extraire et conduire au Cul-de-sac, où on le tua. Pour justifier cette atrocité, Germain l’accusa d’avoir voulu soulever les cultivateurs des montagnes du Port-au-Prince : l’empereur, à qui ce rapport fut adressé, trouva naturellement qu’on avait bien fait de l’exécuter. Il est probable que cet officier, qui avait été d’abord un chef de bande dans la guerre de l’indépendance et qui servit ensuite dans la 12e demi-brigade, avait eu quelque querelle particulière avec Germain, qui en était le colonel.

Presque en même temps, deux indigènes de l’ancienne partie espagnole, qui étaient soldats dans cette demi-brigade, en proie sans doute à la misère et à la faim, sortirent de la ville pour chercher du travail à la campagne : arrêtés, ils furent suspectés de vouloir s’évader et retourner dans leurs foyers. Germain les fit fusiller en présence de la garnison, malgré l’appel humain que firent les troupes à sa générosité, — à sa justice ! — en criant grâce ! En admettant qu’aux termes du code pénal, ces malheureux dussent être considérés comme coupables de désertion, c’était tout au plus la désertion à l’intérieur, punissable d’emprisonnement et non de la mort. Mais des Espagnols, aux yeux de Germain comme à ceux de l’empereur, ne pouvaient échapper à ce cruel châtiment : les soldats haïtiens jugèrent différemment en poussant ce cri de commisération. Et eux-mêmes, comment étaient-ils traités ?

Dès le départ de l’empereur pour Marchand, nous l’avons dit, Germain s’attacha à contrecarrer l’autorité de Pétion. La malheureuse affaire de Chancy le rendit cha-