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Dessalines, n’avait été qu’un instrument aveugle dans les mains de Toussaint Louverture, pour les contraindre, avec barbarie, à un travail forcé au profit des colons ; et il a fallu l’exemple tracé du concours, de la soumission à ses ordres, par les anciens partisans de Rigaud, pour les y entraîner. Pétion, Geffrard, Jean-Louis-François, Francisque, Papalier, etc., s’étaient faits brigands quelques jours avant lui. Eux et toute cette vaillante 13e demi-brigade, n’étaient-ils pas tous d’anciens soldats de Rigaud, entraînant Clervaux et H. Christophe dans leur héroïque résolution ? Pourquoi donc Dessalines rappelait-il cette funeste guerre civile ? Pour menacer d’en renouveler les horreurs ?… Il citait le Sud plus particulièrement, dans son irritation contre ceux qui fraudaient sur les droits du domaine public : il y avait donc en lui des idées préconçues ?

Sans doute, on ne saurait le nier, à cette époque des mises en possession, il y eut des particuliers de la classe des mulâtres qui tentèrent de réclamer les biens de colons, qui réussirent même à se faire envoyer en possession ; par la suite, sous le gouvernement de Pétion, il y en eut encore ; et deux lois du sénat, en 1807, s’appuyèrent sur l’arrêté du 7 février 1804, pour maintenir les droits du domaine public contre les fraudes des réclamans non fondés. Mais Dessalines, s’il avait été plus modéré, aurait pu comprendre cette convoitise de la part de ces individus, leur en faire le reproche à eux seuls et non pas généraliser contre toute une classe. Lorsqu’un chef arrive à de pareilles idées, il est impossible qu’il ne commette pas des injustices envers ceux dont les droits sont certains et fondés sur des titres valables, et alors il est précipité dans l’abîme !