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taient admirablement. Il n’ignorait pas que les citoyens, en général, y étaient peu affectionnés à l’empereur, à cause de ses antécédens et par les motifs déjà déduits pour sa mauvaise administration ; il savait les différentes raisons que Geffrard, personnellement, avait de se plaindre. C’était donc à exploiter cette situation des choses, que le général en chef dut s’employer.

On avait toujours remarqué la distinction qu’il faisait, surtout de Pétion et de Geffrard, dans les diverses réunions des généraux, soit au 1er janvier 1804, aux Gonaïves, soit au 1er janvier 1805 à Marchand, soit au siège de Santo-Domingo. Son mérite personnel le portait à apprécier celui de ces deux hommes dont le caractère avait brillé par tant défaits éclatans. D’ailleurs, Christophe ne pouvait pas oublier le service que Pétion lui avait rendu à la Grande-Rivière, à l’égard de Sans-Souçi : Geffrard s’y trouvait et s’était montré disposé, comme Pétion, à soutenir l’autorité dans la personne de Christophe contre cet Africain : de là, naturellement, la propension du général en chef à se rapprocher de ces deux généraux.

Mais, pour leur communiquer, sinon ses vues personnelles, du moins ses observations sur l’état des choses, sur les tendances de Dessalines, Christophe était trop habile pour employer la voie de la correspondance. Il fallait trouver un homme capable d’apprécier la situation par lui-même, en position d’inspirer de la confiance à Pétion et à Geffrard, et qui fût dans ses intérêts propres. Cet homme était au Cap : lié à Christophe par des intérêts pécuniaires, il était mécontent de l’empereur. Ce fut Bruno Blanchet aîné, révoqué récemment de sa charge de trésorier à Jérémie, — Blanchet aîné qui, cinq ans plus tard, fut l’auteur principal de la scission du Sud, pour