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tachement que Rigaud avait toujours eu pour la France. Il pouvait se demander comment tous ces hommes avaient pu en sortir aussi facilement pour retourner à Haïti, et il était assez raisonnable qu’il eût une telle pensée. Dans une pareille situation d’esprit, qu’on peut lui supposer, un fait survint qui était propre à l’influencer, à lui suggérer des préventions contre l’ancien parti de Rigaud ; et nous disons même que tout autre chef plus éclairé que lui eût pu en concevoir.

Poutu, ancien secrétaire et aide de camp de Rigaud, savait l’exiguité de ses ressources en France, où il avait une famille assez nombreuse. Aussitôt son arrivée aux Cayes, il s’était empressé d’en parler au général Geffrard et à tous ses anciens officiers ou amis, dans le but de se cotiser pour former une somme quelconque qu’il ferait passer à Rigaud, par la voie des États-Unis. Geffrard consentit à contribuer à cet acte de secours pour cent portugaises, ou 800 piastres ; d’autres aussi, selon leurs moyens. Cette collecte se faisant publiquement, le général Moreau, qui avait déjà dénoncé Geffrard à Dessalines, pour son humanité envers quelques blancs et des femmes qu’il sauva des vengeances, le dénonça de nouveau comme autorisant, par son exemple, ces dons volontaires en faveur de Rigaud : de là l’idée conçue par Dessalines, que c’était pour faciliter son retour dans le pays. Il envoya l’ordre à Moreau d’arrêter Poutu et de l’expédier à Marchand. Cet ordre fut exécuté avec zèle, et Moreau saisit ses papiers qui furent adressés sous scellé : parmi eux, se trouvait une liste des souscripteurs avec annotation des sommes qu’ils consentaient à donner à Rigaud[1]. En en prenant con-

  1. En 1808, Rigaud lui-même envoya de France son fils, Louis Rigaud (Cy-