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milles, surtout de la manière dont les agents du gouvernement opéraient la vérification de leurs titres. Les finances de l’État étaient livrées au désordre, à la corruption, à l’infidélité de bien des fonctionnaires qui, il faut le dite, suivaient l’exemple tracé par l’empereur. Quand il autorisait ses concubines à demander des fonds aux administrateurs, quand il faisait de la caisse publique son patrimoine privé, il était impossible qu’il ne fût pas imité. Le concubinage impérial servait aussi d’exemple à la généralité des fonctionnaires et des citoyens, déjà trop enclins à continuer ces traditions déplorables des anciennes mœurs coloniales[1].

Dans un si triste état de choses, était-il possible qu’on songeât à fonder sérieusement des établissemens d’instruction publique pour l’enseignement de la jeunesse ? Privé lui-même des premiers élémens des connaissances qu’on y acquiert, l’empereur n’en sentait pas le besoin pour son peuple : à ses yeux, le sabre, le fusil, le canon étaient tout ce qu’il fallait au pays. C’était l’Empire de la force matérielle qu’il fondait, sans souci du concours que cette force peut trouver dans la puissance de l’intelligence, développée, nourrie par l’instruction.

La constitution venait de déclarer que six écoles publiques seraient établies dans les six divisions militaires ; mais y en eut-il une seule de fondée, ni alors, ni après ? Un chef qui ne s’appuyait que sur son armée et qui ne

  1. « Dans le court espace du règne de Jean-Jacques Dessalines, il y eut un relàchement général dans les différentes branches du gouvernement ; tout se démoralisa, et l’esprit de débauche et d’indiscipline que nous avions pris dans les camps des Français, acheva de corrompre totalement nos mœurs ; l’inhumanité, le pillage, le jeu, la débauche, le libertinage, les passions les plus effrénées nous agitaient et se montraient à découvert. » — Extrait d’une brochure publiée à la cour de H. Christophe, en 1816.