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misérable des Noirs dans ces établissemens agricoles, notamment à Saint-Domingue, — cette colonie que la France fonda sur la terre d’Haïti, à côté de celle de l’Espagne. Mais nous avons également prouvé, sur l’attestation d’historiens contemporains aux époques les plus reculées, comment l’amour de la liberté avait bien souvent excité les Noirs à la résistance et à une vengeance énergique contre leurs oppresseurs. En 1784, les gouvernemens des deux colonies furent même contraints de reconnaître l’indépendance d’une peuplade établie dans les hautes montagnes de l’île, et par conséquent son droit à la liberté.

Ce que nous voulons faire remarquer, par l’historique rapide auquel nous venons de nous livrer, c’est que, si l’esprit religieux, égaré, mal inspiré en Las Casas, contribua puissamment à une extension excessive de la traite des Noirs, — c’est aussi l’esprit religieux, éclairé, mieux inspiré, aidé des lumières de la philosophie naturelle et de la philantropie née de leur harmonie, qui éleva une sainte voix en faveur de ces opprimés.

En effet, c’est ce sentiment tout chrétien qui animait les philantropes des deux mondes, — en Angleterre, les Grandville Scharp, Thomas Clarkson, Wilberforce, etc. ; — aux États-Unis, les Antony Benezet[1], Benjamin Franklin, Joël Barlow, etc. ; — en France, les Montesquieu, Raynal, Brissot, Henri Grégoire, etc., lorsqu’ils exposèrent avec tant d’éloquence les souffrances des Noirs, les crimes dont ils étaient victimes dans la traite et l’esclavage.

Le système colonial était ébranlé dans ses fondemens

  1. Benezet était Français ; il se naturalisa Américain et fut quaker.