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contrevenant ou qui aurait donné asile à un cultivateur, était soumis à une amende de douze gourdes. Or, il arriva que la police découvrit une cultivatrice chez une demoiselle Miss Chapotin, d’une famille honnête du Port-au-Prince : elles furent toutes deux amenées pardevant Bédouet, commandant de la place. Il fit passer aux verges la pauvre cultivatrice, avant de la renvoyer à la culture, et exigea que Miss Chapotin payât immédiatement les douze gourdes d’amende. Cette malheureuse, ne possédant pas cette modique somme, fut condamnée à subir aussi la peine des verges. En vain Millet, officier de la 12me, offrit de la cautionner ; Bédouet fit exécuter sa sentence. Cette peine n’était prescrite par aucune ordonnance, tant à l’égard de Miss qu’à celui de la cultivatrice : elle résultait de l’arbitraire de Bédouet, placé sous les ordres immédiats du colonel Germain Frère, qui agissait avec autant de despotisme[1].

Ces faits disent assez si les officiers supérieurs s’en tenaient, à l’égard des militaires de l’armée, aux quatre cas de verges prévus au code pénal. Tout dépendait de leur volonté. Qu’on ajoute à ce défaut de sécurité pour les personnes, les injustices dont furent victimes bien des propriétaires, fondés en titres valables, lors de la nouvelle vérification ordonnée par la loi sur les enfans nés hors mariage, et l’on reconnaîtra que les habitans des villes et bourgs, ne jouissaient pas de plus de garantie que les militaires de l’armée et les cultivateurs des campagnes.

Après le titre d’Empereur pris par Dessalines, d’une

  1. Chez ce colonel, comme dans les bureaux de place, il y avait toujours provision de verges épineuses. Quant à Bédouet, il est vrai qu’il venait lui-même de subir une détention d’un mois dans les cachots de Marchand ; on en verra les motifs plus loin.