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sement des Européens dans ces régions jusqu’alors inconnues. Le territoire de leur beau et fertile pays fut aussitôt considéré comme un domaine de la couronne d’Espagne.

En usant du prétendu droit qu’allèguent les nations civilisées contre celles qu’elles appellent barbares, et qui n’est réellement que l’abus des lumières et de la force qu’elles donnent, Colomb ouvrit pour ces enfans de la nature une ère d’iniquités et de persécutions violentes, en retour de la bienveillante hospitalité qu’ils avaient exercée envers lui et ses compagnons.

Chacun sait, en effet, comment la cupidité des Espagnols, attirés à Haïti par la fièvre de l’or, décima ces intéressans insulaires, qu’ils contraignirent à son extraction, en employant les moyens les plus cruels[1].

Il n’avait pas fallu un temps bien long à ces farouches colonisateurs, pour reconnaître que la faible constitution des Aborigènes les rendait peu propres aux durs travaux des mines, comme à ceux de l’agriculture qu’il devenait urgent d’étendre pour se nourrir, en même temps qu’ils exploitaient quelques autres denrées indigènes ou introduites dans l’île. En voyant ces infortunés succomber rapidement par ces labeurs pénibles, en les massacrant dans les révoltes que leur férocité occasionnait, les Espagnols ne reculèrent point devant l’opportunité de nouveaux crimes pour assouvir leur rapacité.

Déjà, depuis un demi siècle, les Portugais, bien dignes de leurs voisins, avaient amené chez eux des Noirs qu’ils

  1. Voyez à ce sujet l’Histoire des Caciques d’Haïti que vient de publier au Port-au-Prince, M. le Baron Emile Nau, notre compatriote : ouvrage dans lequel il a fait preuve d’une érudition remarquable, du talent d’écrivain consciencieux, d’une sensibilité exquise, en intéressant notre pays aux malheurs éprouvés par ses premiers habitans.