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Cet acte était une conséquence du rétablissement de l’esclavage dans les possessions françaises et de la traite des noirs : il n’est donc pas étonnant que le général français voulût établir à son tour, dans le territoire qu’il occupait, la traite des Haïtiens, à la manière des chefs barbares de l’Afrique qui vendent leurs semblables aux blancs. Ferrand suivait d’ailleurs les erremens, « de M. Jean François, chevalier des ordres royales et militaires de Saint-Louis, amiral de toute la partie française, » qui, en 1793, s’adressait à un officier espagnol pour le supplier très-humblement « qu’ayant de très-mauvais sujets, et n’ayant pas le cœur de les détruire, de lui permettre de les dépayser, de les vendre au profit du roi, etc.[1] »

Quelle différence, en effet, existait dans les motifs donnés par l’un et l’autre général, pour prendre une telle mesure ? Aperçoit-on la moindre supériorité morale dans le général français sur le général noir ? Et cependant, il se croyait le droit de mépriser les noirs, uniquement parce qu’il avait la peau blanche !

Quelquesjours après sa publication, cet arrêté parvint à Dessalines. On peut concevoir l’effet qu’il dut produire sur son esprit et son cœur. Aussitôt, il résolut de fondre avec son armée sur la partie de l’Est d’Haïti, afin de tenter l’expulsion des troupes françaises qui s’y trouvaient. En conséquence, il envoya l’ordre à tous les généraux de se tenir prêts avec les corps sous leurs ordres respectifs pour entrer en campagne à la mi-février. Dans le cours de 1804, l’habillement des troupes avait été confectionné : l’empereur ordonna qu’elles seraient habillées et pourvues

  1. Voyez la pièce de Jean François à M. Tabert, t. 2e, de cet ouvrage, p. 199.