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n’en fait pas partie. Il faut donc que le chef ait, non-seulement des lumières pour distinguer entre ces deux situations, mais qu’il ait aussi un caractère modéré et des sentimens humains.

Quelle était la cause de cet abandon des campagnes pour se réfugier dans les villes ? En grande partie, la rigueur dont souffraient les cultivateurs sous les fermiers des biens du domaine, ceux-ci étant la plupart des chefs militaires, aussi despotes que l’empereur lui-même. Ces hommes produisaient, récoltaient les fruits de la terre, et ne recevaient pas, bien souvent, le prix de leur travail, ce quart des denrées décrété par la loi ou les ordonnances. Ils n’étaient pas propriétaires du fond, ils ne jouissaient pas de ce qui leur revenait, et ils étaient encore contraints à un travail forcé, comme sous les colons, par de mauvais traitemens : de là leur tendance à se réfugier dans les villes pour s’y soustraire. Sans doute, et nous ne le nions pas, il se trouvait parmi eux de vrais vagabonds qui recherchaient les moyens de se livrer mieux à ce vice de la fainéantise ; mais en général, ce n’était pas par ce motif qu’ils fuyaient les campagnes.

Par suite des ordonnances sur le recensement, le 7 décembre, une autre prescrivit la délivrance d’une carte de sûreté à toutes les personnes autorisées à rester dans les villes ou bourgs. C’était un nouveau moyen d’atteindre les cultivateurs, de les contraindre à se retirer dans la campagne.

Dans un pays essentiellement agricole, comme l’est Haïti, il eût été à désirer vivement que, dès cette époque, les classes supérieures de la société eussent pu tracer aux cultivateurs l’exemple du goût pour le séjour à la campagne, sur les biens qu’elles possédaient ou qu’elles te-