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que dans ce choix il n’aurait jamais égard à l’ancienneté, bien que ce principe eût été établi par Toussaint Louverture. S’il avait voulu faire consacrer l’hérédité de la dignité impériale dans sa famille, qui eût pu l’en empêcher ? Il ne le fit pas, parce qu’il se considérait comme le premier, le plus haut placé parmi ses égaux, pour diriger les affaires de son pays ; peut-être aussi, parce qu’il pensait que cette hérédité n’eût été qu’une chimère.

D’ailleurs, était-il raisonnable que lui et les généraux de notre armée nationale, se crussent tellement supérieurs à leurs soldats, à leurs concitoyens, qu’ils pourraient instituer en leur faveur et en faveur de leurs familles, les privilèges inhérents à l’hérédité, à la noblesse ? N’était-ce pas contre les privilèges de la race blanche qu’on s’était armé, qu’on avait combattu pour acquérir le droit d’être les égaux de ces hommes ? Et à peine on les avait vaincus et expulsés du pays, on aurait restauré ces inégalités ! C’eût été pire qu’une injustice, — une vraie trahison envers la nation.

Dessalines se montra donc conséquent avec tous les principes qui nous avaient dirigés dans nos révolutions, en adoptant le titre d’Empereur qui, dans la situation des choses, avait le double mérite d’être une mesure propre à fortifier la déclaration de notre indépendance, et de rappeler un fait historique, — celui du peuple romain déférant un titre semblable à Jules César, lorsqu’il se fit nommer dictateur perpétuel. Dessalines ne pouvait pas être autre chose ; son autorité ne pouvait pas être limitée par une constitution quelconque. On verra qu’il ne respecta pas celle qu’il octroya.

Cette résolution une fois prise, il ne restait plus qu’à adopter le mode le plus convenable de déférer le titre