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Dans la pensée de se réunir à eux, Borgella profita de la suspension d’hostilités convenue quelque temps après entre Brunet et Geffrard et qui fit ouvrir un marché aux portes des Cayes, pour envoyer un affidé auprès de ce dernier, à l’effet de lui témoigner le désir qu’il avait de se joindre à lui. Geffrard lui fit écrire un billet par Papalier, pour le presser dans cette résolution, en lui exprimant la joie qu’ils ressentiraient tous de le voir parmi eux.

Mais, pour sortir des Cayes, il fallait user de beaucoup de précautions, afin de ne pas s’exposer à être arrêté.

À Dalmarie, il vivait en intimité avec un Français nommé Verger, qui avait toujours été l’ami de la classe des hommes de couleur, depuis 1791 ; il habitait la Croix-des-Bouquets à cette époque, et les événemens de la guerre civile du Sud l’avaient transplanté dans la Grande-Anse. Il rejoignit Borgella aux Cayes : celui-ci lui confia son dessein d’aller se réunir à Geffrard ; et Verger voulant faire comme lui, gagna au même parti un sergent français nommé Spané, dont les sentimens de justice se révoltaient par les atrocités commises aux Cayes sur les indigènes. Il fallait traverser les remparts de la ville, garnis de troupes. Spané trouva moyen, à cause même de son grade de sergent, de persuader un soldat qui lui pro-

    rendre en Europe ; il ne voulut jamais le quitter. Entouré de soins sur ses vieux jours, Simon mourut en mars 1817, sur l’habitation de Borgella, qui honora ce fidèle serviteur en lui donnant la sépulture dans l’enclos réservé où reposaient déjà les restes de son épouse.

    En avril 1819, pendant la campagne qui mit fin à l’insurrection de Goman dans la Grande-Anse, je fus témoin de la gratitude exprimée à Borgella par un Haïtien qu’il avait sauvé dans l’affaire des Karatas. Cet homme était parmi les blessés, et fut emporté avec les Polonais qui l’étaient aussi. Borgella ne l’avait pas remarqué alors, et ne le reconnut pas ; mais il lui rappela toutes les circonstances de cette généreuse action, dont le souvenir émut profondément le général auprès de qui je servais en qualité de secrétaire.