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Balthazar Inginac et Lafontant, deux hommes de couleur, vinrent aussi à Turgeau porter les remercîmens des habitans à Dessalines, pour la promesse qu’il leur avait faite de les bien traiter. Là commença la fortune politique d’Inginac qui, d’ailleurs, avait servi les vues de Pétion auprès des indigènes de la ville : Dessalines lui accorda toute l’estime qu’il méritait par ses talens, mais qui devint compromettante un jour.

Enfin, le 8 octobre, Lavalette informa Dessalines que la garnison française était embarquée, en lui renvoyant Bonnet : le chef de bataillon Andrieux se rendit immédiatement auprès de son général. Le 9 dans la matinée, tous les navires quittèrent la rade, et la plupart allèrent se faire capturer par la croisière anglaise qui louvoyait dans la baie. Lavalette et ses principaux officiers eurent le bonheur de passer et de se rendre à Saint-Yague de Cuba[1].

Le jour du départ, toute l’armée indigène entra au Port-au-Prince. Dessalines, richement vêtu, avait Pétion à sa droite et Gabart à sa gauche. La plus sévère discipline fut imposée à ces soldats, la plupart presque nus. Cependant, le colonel Thomas Marie-Jeanne osa enfreindre ces ordres rigoureux, en entraînant des soldats qui pillèrent avec lui dans les boutiques de la rue des Fronts-Forts. Avertis de ce désordre par le chef de bataillon Bédouet, nommé commandant de la place, Dessalines et Pétion se portèrent sur les lieux et dissipèrent les pillards : Thomas Marie-Jeanne fut arrêté et incarcéré.

Le lendemain eut lieu une revue générale sur la place

  1. Quelque temps après, Lavalette quitta cette ville pour se rendre à Santo-Domingo, en possession des Français. Le navire qui le portait avec des officiers et des soldats fut submergé dans une tempête, près du cap Maisy : ils périrent tous.