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cette entrevue était-elle nécessaire pour convenir d’ouvrir un marché, le fait le plus simple, où les cultivateurs seraient venus apporter leurs produits alimentaires et les échanger avec les habitans du Port-au-Prince ? Y eut-il entrevue entre le général Brunet et Geffrard, quand il s’agissait de semblable chose aux portes des Cayes ? Il avait suffi d’une lettre ou d’une proposition verbale transmise par un officier.

On conçoit que Pétion exigea la remise de son neveu, avant d’entendre à aucune convention relative au marché proposé, et que l’ayant obtenue, il n’y voulut plus donner suite. Si cela s’est passé ainsi, il s’est joué de Lavalette, il l’a trompé évidemment. Mais, outre qu’il ne pouvait pas ignorer le mécontentement de Dessalines à l’égard de Geffrard, pour se refuser à ouvrir ce marché, la conduite de Lavalette au Port-au-Prince l’autorisait à employer ce moyen pour sauver Méroné. N’avait-on pas arrêté et mis aux fers la mère et toute la famille de Lamarre, quand il s’empara du Petit-Goave ? Pétion pouvait redouter un sort semblable pour ce jeune homme : de là la ruse qu’il employa envers un ennemi qui se jouait, lui, de la vie des hommes, qui avait tenté l’arrestation en masse des noirs et des mulâtres de la garde nationale du Port-au-Prince ; et dans quel but ? de les noyer ou pendre, ou étouffer dans la calle des vaisseaux, ou fusiller.

Nous ignorons comment Méroné s’est rendu auprès de son oncle ; mais nous ne concevons pas que Pétion se trouvant à Turgeau, à une demi-lieue du Port-au-Prince, et y ayant envoyé Caneaux en parlementaire, il aura préféré le faire passer à l’Arcahaie, lorsqu’il eût été plus rationnel de le faire venir à Turgeau.