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repousse les mauvaises intentions qui lui ont été prêtées en 1803. Voici comment il y parle des procédés de Geffrard envers Brunet et la garnison des Cayes :

« Geffrard, maître de la plaine, campa aux portes des Cayes. Un seul poste hors de la ville était occupé par les troupes françaises. Geffrard, rempli d’humanité, laissa exister ce poste assez essentiel, parce qu’il favorisait la désertion d’une quantité considérable d’hommes et de femmes qui étaient renfermés aux Cayes. » Et en note. « L’attachement que Geffrard portait à ses concitoyens et son humanité ont reculé la prise des Cayes. Il a préféré la retarder que de massacrer ses frères. Il a fait parvenir des secours à quelques mal-heureux qui ne pouvaient sortir de la ville, où ils étaient en surveillance. On peut donc dire de lui : De ses frères il fut le vainqueur et le père.  »

Quel plus bel éloge peut-on faire d’un guerrier, d’ailleurs si méritant ! Certes, en louant Geffrard ainsi, Boisrond Tonnerre n’approuvait pas Gérin d’avoir voulu prendre les Cayes d’assaut : un assaut entraîne presque toujours le massacre [1]

Non, ni Dessalines ni Boisrond Tonnerre ne cherchaient déjà à enlever à Geffrard toute sa gloire [2]. Général en chef de l’armée indigène, Dessalines avait le droit de stimuler le zèle de ses subordonnés, de leur commander

  1. Il sera prouvé, plus tard, que Boisrond Tonnerre tournait Gérin en ridicule pour ses plans chimériques : de là la haine de Gérin, qui fut cause en grande partie de la mort de ce jeune homme.
  2. Histoire d’Haïti, t. 3, note de la page 59. — Voyez, en preuve de ce que nous disons, comment Geffrard a été loué par Dessalines, dans le journal de la campagne contre le Port au-Prince, qui eut lieu ensuite, à propos de sa conduite à Jérémie ; il y est dit : « Arriva, enfin, l’évacuation de Jérémie ; et la modération avec laquelle le général Geffrard en usa envers les habitans de toutes couleurs restés en ville désilla les yeux de ceux du Port ou Prince… »