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Claparède et Thouvenot, et du préfet Daure : nobles cœurs, vrais Français dignes de ce nom glorieux, ils témoignèrent par leur abstention l’horreur que leur inspirait cet impie et dégoûtant spectacle ; ils protestèrent ainsi, au nom de leur pays civilisé, contre la cruauté de leur chef !

C’était sur la place d’armes voisine du cirque, qu’Ogé et Chavanne avaient été rompus vifs ! Après les mulâtres venait le tour d'un noir : le patient était un jeune domestique du général Pierre Boyer, chef de l’état-major depuis la mort de Dugua, et déjà surnommé le cruel par les soldats français.

Les chiens sont emmenés ; ils flairent la victime, et reculent comme épouvantés de porter leurs dents meurtrières sur le corps de l’homme. En vain les bourreaux de bas étage les excitent, ils reculent toujours, quoique affamés. Alors, le cruel Pierre Boyer conçoit une idée digne de lui ; il voit qu’il faut éveiller l’appétit carnassier des dogues par le sang ; descendant dans l’arène, il dégaine son sabre et en perce les entrailles de la victime ; il prend lui-même un chien et le conduit contre son fidèle domestique ! … La vue du sang anime le dogue que la faim dévore ; il commence la curée à laquelle tous les autres participent. Des cris, des applaudissemens d’une joie frénétique éclatent à l’instant du côté des barbares spectateurs, et la musique militaire ajoute encore à cette scène infernale.

Bientôt le jeune noir n’était plus qu’un squelette ![1]

  1. Dans son ouvrage intitulé : De la littérature des Nègres, l’évêque H. Grégoire dit :

    « J’ai ouï assurer que, lors de l’arrivée des chiens de Cuba à Saint Domingue on leur livra, par manière d’essai, le premier nègre qui se trouva sous la