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part qu’ils voulaient rester Français, qu’ils n’avaient aucune idée de rendre le pays indépendant de la métropole ; qu’ils combattaient seulement pour la liberté qu’ils croyaient menacée.  » Mais on se trompait au Port-au-Prince, et fort heureusement pour décider Dessalines à l’adoption d’un autre drapeau significatif.

Dès 1791, les couleurs arborées par l’assemblée coloniale, et encore le drapeau tricolore de la France révolutionnaire, n’avaient été envisagés par les hommes de la race noire, que comme le symbole de l’union entre les blancs, les mulâtres et les noirs. En prenant les armes contre les Français, en 1802, les indigènes avaient retranché de leurs drapeaux le coq gaulois qui les surmontait, et qu’ils considéraient comme le vrai emblème de la France ; leur intention alors n’était pas de proscrire les blancs de la société civile et politique qu’ils prétendaient former après leur triomphe. L’admission de Véret au Haut-du-Cap, celle de Lafrédinière dans le Sud, l’idée même d’un corps de polonais noirs créé dans l’Artibonite, tout indiquait une tendance à s’adjoindre tout blanc dont les sentimens seraient une garantie de sécurité : les vrais Polonais faits prisonniers et bien des Français furent, en effet, admis plus tard comme citoyens du pays.

Mais néanmoins, dans la circonstance dont s’agit, Pétion sentit la nécessité urgente de l’adoption d’un drapeau qui fût un signe de ralliement pour les indigènes, et distinct de celui des Français : c’était au général en chef à le choisir, à l’ordonner aux officiers généraux. Pétion lui envoya cet imprimé accompagné de ses réflexions. Dessalines prescrivit alors de retrancher la couleur blanche du drapeau dont on se servait : le drapeau indigène devint bicolore, bleu et rouge, et ces cou-