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fut repoussée. En ce moment, Geffrard ordonna la retraite et alla s’établir sur l’habitation Gérard, dans le haut de la plaine. Son quartier-général y fut fixé dès lors.

Quelques jours après, le général Sarrazin débarqua à Tiburon, à la tête de 1200 hommes de troupes qui venaient d’arriver avec lui au Cap. Sa mission était de se rendre aux Cayes pour garder cette ville menacée par l’insurrection ; il espéra balayer la route de Tiburon aux Cayes, tandis que Laplume ferait une sortie pour le seconder : ce que fit en effet ce dernier. Mais Sarrazin n’y parvint qu’après avoir essuyé les plus rudes combats et perdu 500 hommes : Férou, Geffrard et leurs officiers supérieurs se distinguèrent dans ces affaires. Cangé, qui y avait pris part, se décida alors à retourner dans la plaine de Léogane, pour diriger une attaque contre cette ville.

Dans un moment de répit entre les combattans, Sarrazin, voyant tomber successivement ses soldats qu’il ne pouvait emporter, proposa au colonel Bazile de prendre soin réciproquement des blessés. Ce noir s’honora, en acceptant une proposition qui ne pouvait profiter qu’aux Français ; car Sarrazin avait hâte d’arriver aux Cayes, et il ne pouvait pas s’occuper des blessés indigènes. Geffrard approuva la convention faite sous le feu ; il ordonna de réunir tous les blessés ennemis auxquels on prodigua des soins égaux à ceux dont les indigènes étaient l’objet. Les attentions qu’on eut pour un chef de bataillon blessé dangereusement, excitèrent sa reconnaissance au point qu’il s’écria : « Ils ne sont donc pas des cannibales, comme on nous le faisait accroire ! »

On aime à transcrire de tels faits, car ils honorent toujours les guerriers qui savent respecter le malheur de