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pher de leurs puissans ennemis, et ce n’est pas un esprit aussi supérieur, un cœur aussi généreux, qui pouvait se rappeler les faits antérieurs pour agir contrairement au bien public. Même en 1815, quand il rappela à Christophe, dans sa lettre au général Prévôt, qu’il l’avait soustrait à la potence en réveillant sa méfiance contre les Français, on ne trouve pas un mot de regret ; il se borna à lui démontrer l’absurdité de sa fatuité et de ses ridicules prétentions royales.

Nous aimons d’ailleurs à voir Pétion intervenir si loyalement pour désarmer la haine de Sans-Souci ; car c’est à l’incendie du Cap ordonné par Christophe qu’il faut attribuer le salut des officiers que portait la frégate la Vertu : sans cet événement, ils eussent tous péri à Madagascar. Les paroles prononcées par Pétion à la vue de ce saisissant spectacle, prouvent qu’il reconnaissait l’immense service que leur rendait Christophe. À une autre époque, d’autres faits seront produits de la part de ces deux hommes, qui prouveront que l’accomplissement d’un devoir actuel est toujours une chose profitable au bien public.

Cependant, Christophe qui était aussi courageux qu’énergique et qui savait se faire respecter, se sentant supérieur à Sans-Souci, et par son rang et par son intelligence, violent d’ailleurs, ne put supporter davantage l’arrogance de cet Africain : brandissant son sabre, il s’avança sur lui en l’interpellant de déclarer s’il ne le reconnaissait pas comme général, au-dessus de lui. Christophe avait un port majestueux, une belle stature ; c’était l’un des plus beaux officiers de l’armée coloniale ; à ces avantages physiques, il réunissait des manières aisées et ce ton du commandement qui a toujours distingué les officiers du Nord. Par cette sortie vigoureuse, il interdit