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cipaux chefs noirs et mulâtres dans l’insurrection. La population de ces deux couleurs comprit que de nouvelles fureurs allaient éclater contre elle ; mais les hommes politiques qui avaient arboré l’étendard de la résistance, purent calculer dès-lors qu’une partie de leur œuvre était accomplie par le Destin, qui investissait Rochambeau du commandement en chef. Le Premier Consul sanctionna son décret, le 13 nivôse an XI (3 janvier 1803), en apprenant la désignation faite par Leclerc[1].

Quant au nouveau capitaine-général, en l’apprenant aussi, il se fît installer à l’église du Port-au-Prince, dans une cérémonie où Lecun déploya toutes les pompes de la religion catholique. Inutile de dire que ce prêtre, qui avait eu des paroles si louangeuses pour T. Louverture, ancien esclave et noir, en trouva bien d’autres pour célébrer, exalter l’avènement d’un blanc qui était le fils d’un maréchal de France. À l’exception de la couleur et du génie, Lecun voyait sans doute en lui bien des traits de ressemblance avec T. Louverture ; car il était de petite taille et maigre, et avait beaucoup de vivacité dans les yeux. Il en avait encore d’autres, que sa conduite jusqu’alors a pu faire apprécier déjà, et que ses actes, comme chef de la colonie, firent encore mieux découvrir.

Le préfet colonial continua l’intérim, en attendant l’arrivée au Cap de Rochambeau. Ordonnateur en chef en même temps, il put constater en quel état se trouvaient les finances. La recette, dans ces derniers temps, n’allait pas à 500 mille francs par mois ; la dépense était de 3 millions. On devait trois mois de solde aux troupes ; il

  1. Son arrêté qui confirma Rochambeau arriva au Cap le 5 ventôse (24 lévrier 1803.)