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de cette race, — un mulâtre, représentant sa classe et devenu son chef, accepta résolument cette responsabilité devant la postérité. À la Crête-à-Pierrot, — dans le lieu même qu’il avait illustré tout récemment par sa bravoure et son courage, — un noir, représentant sa classe aussi et devenu son chef également, accepta avec non moins de résolution que son frère la même responsabilité.

Et cependant, ces deux hommes avaient été ennemis ; une politique machiavélique les avait armés l’un contre l’autre, ils s’étaient fait une guerre acharnée ! Mais, dans cette guerre même, ils avaient appris à se connaître, à s’estimer mutuellement. Devenus l’un et l’autre les nouveaux chefs de ces anciens partis politiques, ils se réunissaient maintenant pour accabler l’ennemi commun qui avait trop compté sur la perpétuité de leurs divisions.

Sont-ce là des faits imputables uniquement aux hommes ? Peut-on ne pas y reconnaître une volonté providentielle qui inspirait Dessalines et Pétion, afin que leur union produisît le salut de leur race ?

Et quel enseignement pour les gouvernemens qui s’imaginent que le meilleur moyen de dominer les peuples qu’ils dirigent, est de les diviser ! Il est un temps pour le succès d’un pareil système ; mais, à la fin, il s’écroule devant la clairvoyance des peuples. Dirigez, administrez, gouvernez les hommes dont Dieu vous a confié les destinées, en les réunissant autour de vous : voilà votre œuvre, votre tâche, la seule qui vous soit dévolue ; leur gratitude vous récompensera de toutes vos peines. Mais si vous adoptez le système contraire, vous ne recueillerez que leur haine, et une haine implacable.

Voilà, en définitive, le résultat de la guerre civile allumée entre Rigaud et Toussaint Louverture. Les lieute-