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le rendait quelquefois intraitable ; plus éclairé que Dessalines, ayant plus de formes et d’habitudes sociables que lui, il se croyait un homme bien supérieur à lui : au siège de Jacmel, en 1800, quoique colonel soumis au général Dessalines qui dirigeait cette guerre, il lui avait plus d’une fois fait sentir ses prétentions à cet égard. T. Louverture dut alors intervenir souvent entre eux.

Il n’y avait donc réellement que Pétion qui pût entraîner Christophe. La douceur de ses manières, son affabilité, sa physionomie bienveillante, la supériorité de son esprit qui savait si bien ménager l’amour-propre de tous, ses talens militaires, la grande réputation qu’il s’était faite par ses exploits guerriers, son attachement bien connu pour tous ses frères noirs et jaunes : tout contribuait à lui donner une influence décisive sur l’esprit de Clervaux et de Christophe. À l’égard du premier, le témoignage de Pamphile de Lacroix parle assez haut ; cet auteur n’a rien avancé dans cette circonstance qui ne soit fondé sur la vérité historique. Quant à Christophe, c’est Pétion lui-même qui va nous donner la preuve de son influence sur la détermination qu’il prit ; et ici, nous sommes forcé de devancer ce que nous aurons à dire plus tard.

En 1815, Christophe ayant envoyé des députés auprès de Pétion, à l’occasion d’une mission française à Haïti, Pétion répondit au général Prévost qui lui avait adressé une lettre au nom de son Roi et maître  :

« Vous me parlez, Monsieur le général, d’amnistie, de pardon, d’oubli du passé, d’autorité paternelle, de monarque, de grades, de distinctions, de titres de noblesse héréditaire ! Nous étions bien éloignés de ces idées bizarres et inconvenantes, quand je sollicitai le général