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chambeau l’avait remplacé, soit pour utiliser réellement la capacité d’un militaire qui, par la connaissance qu’il avait des colonies, pourrait mieux exposer la situation des choses au Premier Consul, Leclerc s’était décidé à faire partir ce général pour France, le 27 septembre.

Christophe avait saisi l’occasion de son départ pour lui confier son fils Ferdinand, afin de le faire élever convenablement : nouvelle preuve que la loyauté du général Boudet avait commandé l’estime générale. Jusque-là, Christophe, de même que Clervaux, était irrésolu sur le parti qu’il fallait prendre. Il savait que Sans-Souci, Petit-Noël Prieur et les autres chefs des insurgés le haïssaient ; il ne songeait pas à s’insurger lui-même pour se trouver exposé à leur brutalité et à leur vengeance ; car, hautain et orgueilleux, il méprisait ces hommes ignorans qu’il venait de poursuivre à outrance, comme s’il ne se ressouvenait plus de sa belle lettre du 22 avril où il plaida leur cause. Aimant le luxe et toutes les commodités d’une vie sensuelle, il lui répugnait encore de se jeter dans les bois, pour recommencer la guerre pleine de difficultés et de privations qu’il avait faite avec T. Louverture[1] ; son at-

  1. On se rappelle que T. Louverture l’a accusé d’avoir enlevé à son profit la majeure partie des 900 mille francs de la caisse du Cap ; ayant ainsi refait sa fortune, il ne pensait qu’à jouir.

    Son fils Ferdinand fut placé à l’hospice des Orphelins, à Paris, le 23 décembre 1803 ; étant malade, il fut envoyé à l’hôpital de cet établissement, situé à la barrière de Sèvres, et il y mourut le 5 octobre 1805. Sa tante, nommée Marie, qui l’avait accompagné, mourut à la Salpétrière. Dans la même année 1805, Christophe avait chargé un capitaine américain d’enlever Ferdinand et de le lui ramener ; ce marin vint à Paris, mais sachant que la police le recherchait, il se sauva.

    Clervaux avait confié aussi son fils Rémi à M. Coisnon. Ces deux enfans furent d’abord placés au collège de la Marche : l’insurrection de leurs pères les en fit retirer ; cependant, on prit soin de celui de Clervaux comme de celui de Christophe. Nous aimons à rendre ce témoignage, d’après les documens que nous avons lus.