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composée comme il le dit, qu’elle eût dû remplir son devoir en présence du fait existant d’une révolte à main armée contre la domination française ; les juges blancs qui la formaient réellement en majorité ne pouvaient faire eux-mêmes autrement. Pamphile de Lacroix n’a pu ignorer les particularités vraies de la fin tragique de Charles Bélair et de son épouse, puisque quelques pages plus loin il avoue être venu au Cap peu de jours après, sortant du Fort-Liberté, où il commandait. Il y a donc eu intention et intention coupable, dans la manière dont il a narré cet épisode : il fallait représenter noirs et mulâtres comme une espèce d’assassins juridiques, exerçant leur fureur contre l’un d’entre eux.

Quand on ose se faire historien et qu’on trouve des documens certains sur les faits, il faut dire la vérité, même contre le parti politique dont on soutient les droits[1].

Le lendemain de l’exécution de Charles Bélair et de sa femme, le général Leclerc fit publier une proclamation dont nous donnons ici un extrait :

Une insurrection a éclaté dans le Nord de Saint-Domingue ; des commandant de quartiers, regrettant l’autorité et le pouvoir dont ils ne se sont servis que pour commettre des injustices, ont fait naître des inquiétudes aux cultivateurs sur leur sort futur.

Ils ont profité de l’époque où une maladie cruelle exerçait ses ravages dans l’armée de Saint-Domingue, et ils ont renouvelé les incendies et les assassinats qui ont signalé notre entrée à Saint-Domin-

  1. On peut trouver étonnant que nous accusions si souvent P. de Lacroix de partialité, quand nous l’avons présenté comme l’un des généraux qui montrèrent de la modération ; mais nos reproches s’adressent a l’auteur d’un livre, qui adopta un mauvais système afin de dissimuler souvent les torts de ses compatriotes.