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Néanmoins, les arrestations, les pendaisons, les noyades, les fusillades continuèrent leur train : il fallait atteindre le but !

Le capitaine-général avait déjà ordonné aux cultivateurs de venir livrer leurs armes aux chefs-lieux des cantons, et peu d’entre eux avaient obéi à cet ordre. Au plus fort de l’épidémie, il n’osa, dit P. de Lacroix, brusquer leur désarmement par des moyens violens ; mais quand il eut vu que l’auxiliaire des noirs continuait ses ravages, il s’y résolut. Comment faire cependant avec si peu de troupes européennes ? Il fallut recourir aux troupes coloniales, — « pour tirer parti, dit le même auteur, du bon esprit dans lequel paraissait être encore la masse des chefs de couleur,… » c’est-à-dire noirs ou jaunes. On était alors aux premiers jours de juillet.

En conséquence, le capitaine-général augmenta considérablement la composition du corps de la gendarmerie, afin d’y faire entrer ces troupes coloniales pour un tiers ; et, pour se les affectionner, il décida que chaque homme recevrait, par jour, une demi-piastre de haute paye. Mais, dit l’historien de l’expédition : « On n’eut jamais les moyens d’alimenter en Européens le cadre de cette gendarmerie ; un soldat admis la veille dans ce corps était porté le lendemain au cimetière. Quel calcul humain n’aurait pas été mis en défaut par une mortalité semblable ! »

Comment ! on ignorait donc en France en quel peu de temps, les 6000 hommes envoyés de-là avec les commissaires civils Polvérel et Sonthonax avaient été la plupart moissonnés par la fièvre jaune ! On y ignorait encore comment les troupes anglaises avaient péri promptement par cette maladie, que si la Grande-Bretagne avait tenu