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Dans le courant du mois de mai, la fièvre jaune fit invasion en même temps au Cap et au Port-au-Prince, où se trouvaient réunis un plus grand nombre de troupes et d’Européens venus avec elles dans la colonie. Les ravages de cette peste furent tels dès le début, qu’on a vu, à tort ou à raison, imputer à T. Louverture le plus grand espoir d’en profiter pour reprendre les armes. Au moment où il était arrêté et déporté, l’épidémie enlevait les généraux Debelle et Hardy, une foule d’officiers et de soldats. C’était dans les premiers jours de juin, dans ce mois où la chaleur devient intense dans le pays. On était réduit à ne plus rendre les derniers honneurs aux militaires et aux particuliers. « Des tomberaux, dit P. de Lacroix, faisaient à minuit leurs rondes lugubres. Ils ramassaient, dans chaque rue, les morts qu’on mettait aux portes des maisons. » Il en était de même dans les hôpitaux où les militaires étaient soignés.

Dans le même temps, le capitaine-général Leclerc, débarrassé de T. Louverture, convoqua au Cap le conseil colonial dont nous avons vu la formation par sa proclamation précitée du 25 avril, pour aviser aux moyens de restauration des cultures principalement, pour l’aider de ses conseils dans l’administration générale. Ce corps fut présidé d’abord par le préfet colonial Benezech, homme vertueux qui n’avait que des vues honnêtes et qui eut la bonhomie de croire à la sincérité des déclarations faites au corps législatif, au nom du gouvernement français ; il pensait qu’il ne s’agissait pas de rétablir l’esclavage à Saint-Domingue comme ailleurs. Mais, dès les premières séances du conseil, les colons grands propriétaires, qui presque tous avaient été influens auprès de T. Louverture, laissèrent percer leur vues pour seconder la