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pour la remonte de l’artillerie, — en s’absentant la seconde fois, ce ne serait pas la clé du seul cachot où était renfermé T. Louverture qu’il aurait emportée avec lui ou soustraite à Colomier ; mais bien les clés des cachots où se trouvaient d’autres prisonniers, lesquels auraient été, dans ce cas, également privés de toute nourriture pendant ces quatre jours. Pourquoi n’y eut-il pas alors d’autres victimes parmi ces prisonniers ? Il faudrait donc admettre, pour trouver coupable ce gouverneur, qu’il aurait eu la précaution de pourvoir les autres prisonniers des alimens dont ils auraient besoin pour le temps de son absence.

De tels faits ne se supposent pas  : il faut des preuves, autres que les simples inductions dont s’agit.

Est-ce à dire que T. Louverture ne pouvait pas être frappé d’apoplexie à son âge ? Étant né, a-t-on dit, en mai 1743, il est mort le 7 floréal an XI (27 avril 1803) ; il avait donc près de 60 ans révolus. Ne remarque-t-on pas en Europe, que beaucoup d’individus meurent ainsi ou d’autres maladies, dans le cours de l’hiver ou à sa fin, lorsqu’ils sont parvenus à un âge avancé ? On conçoit d’ailleurs ce qu’a dû exercer sur sa constitution l’influence d’une saison aussi rigoureuse, alors que dans ce triste réduit il n’avait pas de quoi pourvoir au chauffage de son cachot ; ce que le chagrin a dû occasionner sur son âme, brisée par la perte de la position suprême où il était parvenu, surtout par la violente séparation opérée entre lui et sa famille qu’il aimait, dont il ignorait le sort, par l’enlèvement de son domestique. Quelle qu’ait été la force d’âme qu’il avait toujours montrée au temps de sa prospérité, en reconnaissant combien ses services avaient été méconnus, que tout ce qu’il avait fait pour les colons français, les