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Domingue, rapporte, sur le récit à lui fait par le capitaine Colomier, qui se trouvait à Pontarlier pour la remonte de l’artillerie : — que T. Louverture recevait d’abord cinq francs par jour pour pourvoir à sa subsistance et à tous ses besoins, et que par ordre du gouvernement cette allocation, déjà bien faible, fut réduite à trois francs  ; qu’après l’enlèvement de son domestique, le prisonnier n’eut plus la faculté de sortir du cachot pour se promener dans les cours de la prison ; qu’il était privé de boire du café auquel il était habitué, comme tous les habitans des Antilles ; que le gouverneur du fort de Joux, dont le nom n’est pas cité, fit un premier voyage à Neufchâtel, en Suisse, en chargeant Colomier de le remplacer durant cette absence, et lui confiant les clés des cachots : ce qui donna à ce dernier l’occasion de voir T. Louverture, de lui parler, de lui procurer du café, de s’assurer qu’il n’avait pour toute batterie de cuisine qu’un vase de fonte, dans le quel il préparait lui-même un peu d’aliment farineux ; que le gouverneur du fort fît un second voyage à Neufchâtel, en laissant encore Colomier chargé de son poste ; que cette fois il lui dit d’un air inquiet, qu’il ne lui remettait pas les clés des cachots, parce que les prisonniers n’avaient besoin de rien ; qu’il revint après une absence de quatre jours, qu’alors Toussaint n’était plus et qu’il le savait ; « que l’on voyait Toussaint sans vie, assis à côté d’une cheminée, ayant les deux mains sur ses jambes étendues, et la tête penchée du côté droit. On remarquait dans ses traits les traces de la mort, arrivée par suite d’une douleur dévorante ; mais l’attitude seule de son corps accusait le coupable et indiquait le crime. Le capitaine (Colomier) et le maire du pays refusèrent de rendre par écrit témoignage de la mort de Toussaint