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le voile de l’oubli sur tout ce qui a eu lieu à Saint-Domingue avant mon arrivée.  »

C’était escobarder l’amnistie, évidemment avec l’arrière-pensée d’agir ensuite, non-seulement contre T. Louverture, mais aussi contre ses généraux, ses troupes, même contre les habitans qu’il avait avec lui : déjà nous avons fait remarquer cette intention déloyale, à propos de l’annullation des promotions faites par l’ex-gouverneur pendant sa lutte de trois mois. Aussi avait-on déjà déporté Rigaud et plusieurs autres officiers qui, cependant, n’avaient pas été mêlés dans cette lutte. Vainement, le capitaine-général ajouta-t-il : « J’imite en cela l’exemple que le Premier Consul a donné à la France, après le 18 brumaire. » Cette déclaration, fondée sur des actes généreux d’un grand homme, n’était, dans la pensée de son pâle imitateur, qu’un moyen d’inspirer plus de confiance en des promesses qu’il se réservait de fouler aux pieds.

S’il résulte, comme nous le pensons, de tout ce que nous venons de rappeler, que T. Louverture n’avait à se justifier que des faits qu’on lui imputait depuis sa soumission, il est clair pour tout esprit non prévenu, qu’il eût été très-difficile, sinon impossible, de l’accuser avec justice ; car il était resté paisible sur ses propriétés : aucun fait apparent n’existait à sa charge, mais seulement des intentions, si réellement les lettres qu’on disait adressées à Fontaine avaient été écrites par lui. Dans tous les cas, nous avons admis et nous admettons encore, que l’ostracisme était une mesure politique de convenance à son égard. Eh bien ! cette mesure pouvait s’effectuer en le déportant de Saint-Domingue, comme Rigaud, sans nécessiter son emprisonnement dans l’un des cachots du