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Premier Consul rendit un arrêté qui lui enleva le grade de sous-lieutenant, auquel il avait été promu en 1800. La distinction entre le grade et l’emploi fut ainsi méconnue, violée à son égard : cette violation de la loi n’avait d’autre motif que la conduite de ce jeune homme à Saint-Domingue. On l’honora ainsi d’un signe de réprobation. Aussi fut-il bientôt enlevé du Héros, par le brig la Naïade qui le porta à Belle-Ile-en-Mer, où il rencontra le brave J.-B. Belley, ancien membre de la Convention nationale et des Cinq-Cents, adjudant-général, récemment déporté du Cap avec Rigaud. Ce vieillard y mourut en exil : il avait commencé à servir la France dans l’expédition de Savannah, en 1779.

Avant de s’y rendre, étant encore dans la rade de Brest, Placide adressa à T. Louverture, à sa mère, à ses parens, la touchante lettre qui suit :

Rade de Brest, 24 thermidor (12 août).
Mon cher papa et chère maman,

Je suis à bord du brig la Naïade ; j’ignore encore mon sort ; peut-être je ne vous reverrai jamais : en cela je n’accuse que mon destin. N’importe où je serai, je vous prie de prendre courage, de penser quelquefois à moi. Je vous donnerai de mes nouvelles, si je le puis : donnez-moi des vôtres, si vous en trouvez l’occasion. Je suis très-bien ; je suis avec des personnes qui ont beaucoup de bontés pour moi, qui m’ont promis de me les continuer. — Isaac et Saint-Jean, n’oubliez pas votre frère : je vous aimerai toujours. Bien des choses à vous tous : embrassez pour moi ma cousine. Je vous embrasse comme je vous aime.

Votre fils,
Placide Louverture.

C’est le sentiment filial, c’est la consolation adressée à l’homme malheureux alors, qui prit soin de Placide, de son éducation, qu’il faut chercher dans cette lettre : elle