Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Placide ne put continuer la route avec son père, son cheval ayant fléchi. César se trouva seul officier avec lui.

L’aide de camp de Leclerc qui entra dans la chambre avec les grenadiers, était Ferrari qui avait apporté à Brunet l’ordre d’arrestation. En les voyant, T. Louverture se leva, dégaina son sabre pour se défendre ; mais, — « Ferrari s’avança vers lui, l’arme baissée, et lui dit : — Général, nous ne sommes point venus ici pour attenter à vos jours. Nous avons seulement l’ordre de nous assurer de votre personne »[1]. À ces mots, T. Louverture remit son sabre dans le fourreau.

Il ne paraît pas que jusque-là, il ait proféré aucune parole, ni de colère, ni d’indignation. Ce n’est que lorsqu’on eut porté la main sur lui pour le garotter, qu’il en appela à la parole d’honneur de Brunet et aux promesses qu’il lui avait faites par sa lettre.

Doit-on regretter que T. Louverture n’ait pas subi en cette circonstance, de même que Rigaud, l’impulsion de la colère, de l’indignation, pour jeter son sabre avec mépris à ceux qui vinrent l’arrêter ?

Il faut distinguer entre le caractère de ces deux chefs, et les circonstances qui accompagnèrent leur arrestation. Rigaud, souvent impétueux, n’était pas capable de feindre son indignation, lorsque le capitaine de la Cornélie lui demanda son épée avec insolence : il devait la jeter à la mer. T. Louverture, toujours plus maître de lui-même, dut être encore calme par les paroles que lui adressa Ferrari : elles ne respiraient point le ton arrogant qu’avait pris l’autre officier. Il devait penser qu’en l’arrêtant, on userait du moins du respect et des égards qu’on lui devait,

  1. Mémoires d’Isaac — P. de Lacroix a largement brodé sur les circonstances de cette arrestation, T. 2, p. 203.