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indigène, si elle venait à s’insurger contre les Français. L’armée était donc acquise de droit à la direction que lui donnerait Dessalines, s’il trouvait un franc concours de la part de ses divers chefs. Il pouvait, il devait y compter, en sacrifiant T. Louverture.

D’un autre côté, et sans nul doute Dessalines ne fît pas cette réflexion, — la déportation de T. Louverture après celle de Rigaud, devait nécessairement amener une fusion entre les hommes des deux partis qu’ils dirigèrent, pour parvenir à harmoniser leur résistance commune contre l’armée française. C’est ce qui arriva, c’est ce qui produisit l’indépendance d’Haïti.

Le parti de Rigaud se prononçait déjà, et par rapport à lui et par rapport au rétablissement de l’esclavage qu’il savait être dans les desseins du gouvernement consulaire. Celui de T. Louverture ne pouvait manquer de se prononcer aussi par rapport à l’esclavage et à cause de l’ingratitude dont ce gouvernement paierait ses services par sa déportation : cette mesure devait le porter à réfléchir. Qui peut nier, en effet, que la déportation de ces deux chefs, si attachés à la France par des considérations différentes, n’ait été le complément de l’expérience dont les hommes de la race noire avaient besoin, pour s’affranchir de son joug ?

Si l’on considère, d’une autre part, que Rigaud et T. Louverture avaient fourni leur carrière, terminé leur mission, on reconnaîtra que le sacrifice de ces deux personnages devenait aussi d’une utilité capitale au salut de leurs frères[1].

  1. Voyez ce que nous avons dit de l’un el de l’autre, au 4e volume, p. 210, 438 et 479.

    Le gouvernement consulaire ayant le dessein de rétablir l’esclavage, devait