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l’île, et que l’intention du gouvernement eût été remplie. »

Telle est la version que nous trouvons dans le mémoire adressé au Premier Consul ; mais une lettre de Leclerc au ministre de la marine, en date du 18 floréal (8 mai), lui dit : « La soumission de Christophe acheva de consterner Toussaint… Il m’écrivit que des circonstances très-malheureuses avaient déjà causé bien des maux ; mais que, quelle que fût la force de l’armée française, il serait toujours assez fort et assez puissant pour brûler, ravager et vendre chèrement une vie qui avait été quel-fois utile à la mère-patrie. »

En retournant à son poste, Christophe, qui avait encouru le blâme de T. Louverture, fit arrêter le colonel Barada dont il avait su les rapports à l’ex-gouverneur, et s’empressa de réunir sa troupe pour la conduire au Haut-du-Cap. En cet instant, arriva auprès de lui l’aide de camp César, que T. Louverture envoya lui dire de se rendre à la Marmelade : il s’était sans doute ravisé. Mais Christophe se garda d’obéir ; il chargea César de dire à l’ex-gouverneur : « qu’il était las de vivre comme un misérable, et qu’il se rendait au Haut-du-Cap. » Il partit immédiatement avec les débris des 1re, 2me, 3me et 5me demi-brigades, s’élevant à environ 1200 hommes, et des pièces d’artillerie, après avoir congédié les cultivateurs armés qui étaient dans son camp.

T. Louverture se trouvait ainsi presque sans défense de ce côté-là : les Français firent occuper le Morne-Boispin, à 3 lieues de la Marmelade, par la 10e coloniale venue de Santo-Domingo avec Paul Louverture. La proximité de cette position facilitait une sorte d’embauchage parmi les troupes qui étaient avec T. Louverture.