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si vous commandiez un vaisseau de l’État, et que, sans vous en donner avis, un autre officier vînt vous remplacer en sautant à l’abordage par le gaillard d’avant, avec un équipage double du vôtre, pourriez-vous être blâmé de chercher à vous défendre sur le gaillard d’arrière ? Telle est ma situation vis-à-vis de la France. »

Il était impossible de trouver une comparaison plus propre que celle-là à peindre sa situation, à expliquer sa conduite, à réfuter les observations de Sabès, à condamner la conduite de Leclerc. Cet argument est une des mille preuves de la vivacité des reparties de T. Louverture, de la justesse de son esprit, de son génie enfin ; car il n’est donné qu’aux hommes supérieurs d’en employer de semblables.

Ces officiers partirent avec les dépêches et des dragons pour les escorter et les protéger dans leur route : ils se rendirent auprès du général Boudet, au Port-au-Prince, où était aussi le général Leclerc.[1] C’est ce qui peut expliquer l’assertion de P. de Lacroix, qui prétend que ce fut à ce dernier que les deux officiers furent renvoyés : c’est une erreur de sa part. Toutefois, il donne une idée du contenu de la lettre adressée à Boudet, en disant :

« T. Louverture laissait entrevoir que si l’on s’y prenait bien, il était encore possible d’entrer avec lui en pour parler. »

C’est après avoir expédié ces deux dépêches au général Boudet, qu’apprenant que, dans sa marche par la Coupe-à-l’Inde, la division du général Hardy avait ravagé ses propriétés, enlevé ses animaux, « et surtout, dit-il,

  1. Ils furent d’abord à la Crête-à-Pierrot, où se trouvait une garnison française.