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sion aux Français qu’à cause de lui, se trouvait alors au Port-au-Prince : en entendant publier cet arrêté, il dit au colonel Borno Déléard, à qui il parlait dans le moment : « Mon fils, les blancs sont des scélérats. Je vais dans mes montagnes ; ils sauront ce qu’est Lamour Dérange[1]. »

Ainsi, hommes éclairés et ignorans, mulâtres et noirs se comprenaient, et savaient quel était le parti qu’il leur convenait de prendre. En politique, il faut de ces faut es pour donner naissance aux nations. Mais il fallait attendre encore l’instant propice à l’explosion : la fièvre jaune n’avait pas commencé ses terribles ravages.

C’est sans doute une spéculation inhumaine, cruelle, que de calculer ainsi sur la mort de ses semblables ; mais lorsque des hommes civilisés abusaient de leurs lumières et de leur force contre des êtres qu’ils n’estimaient pas leurs égaux, même devant Dieu, tandis qu’ils eussent pu s’en faire les loyaux, les glorieux protecteurs, que restait-il à ces infortunés ?…

Le 31 mars, le capitaine-général rendit un autre arrêté, sur les représentations des négocians français. Le voici :

Le général en chef ordonne :

Art. 1er. Tous les bâtiments français arrivant directement de France, et chargés de marchandises françaises ne seront assujétis, pour les droits d’importation et d’exportation, qu’à payer la moitié de ceux qui sont exigés pour les navires étrangers.

2. Tous les bâtiments qui apporteront des marchandises sèches,

  1. Il est entendu que c’est le sens des paroles prononcées par Lamour Dérance, en langage créole. Il était Africain. — Peu de jours après, Borno Délard fut envoyé au Cap, et embarqué sur le Jean-Barc avec les autres officiers.