Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verture, à ce noir qui eut des torts envers Rigaud, envers ses frères mulâtres et noirs anciens libres, mais qui comprit, malheureusement trop tard pour sa gloire, qu’il devait s’abstenir de toute récrimination contre Rigaud et ses officiers venus avec l’expédition française. En effet, étant à la Petite-Rivière de l’Artibonite, il avait réfuté la proclamation de Leclerc, du 17 février, par une autre proclamation : on y remarque une louable abstention de toute aigreur contre Rigaud, Villatte, B, Léveillé, Pétion et leurs compagnons, en même temps qu’il se plaint du renvoi à Saint-Domingue de généraux blancs qui y avaient servi.

« Car enfin, y dit-il, comment se fier à un homme (Leclerc) qui emmenait avec lui une armée nombreuse… Quelle confiance les habitans de cette colonie pouvaient-ils et peuvent-ils encore avoir dans les chefs qui commandent cette armée ? Rochambeau, Kerverseau et Desfourneaux, n’ont-ils pas été dans le Nord, l’Ouest et le Sud, les tyrans les plus acharnés de la liberté des noirs et des hommes de couleur ? Aux îles du Vent, Rochambeau n’a-t-il pas été le destructeur des hommes de couleur et des noirs ? N’a-t-il pas prédit, il y a cinq ans (en 1796), qu’il fallait envoyer à Saint-Domingue des troupes pour désarmer les cultivateurs ?… »

Et dans son mémoire adressé au Premier Consul, on ne trouve pas un mot qui décèle la moindre animosité contre Rigaud ni contre les autres.

Le malheur, les persécutions politiques ont cet avantage, qu’ils produisent dans les hommes faits pour s’estimer, un retour aux nobles sentimens qu’ils devraient nourrir les uns pour les autres dans les temps de leur prospérité, alors que leur bonne entente pourrait con-