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de bâton. Le vieil officier joua le rôle d’aveugle, s’appuyant sur le bras de la vieille femme qui, de son côté, faisait la sourde. Le général Pamphile de Lacroix intervint, et fit cesser les mauvais traitemens dont on les accablait : ce dont nous ne pouvons que le louer. Il ne put soupçonner qu’ils étaient venus remplir une telle mission, et les fît relâcher. « On les avait tellement battus, dit cet auteur, qu’ils avaient l’air de ne plus pouvoir se soutenir. Ce ne fut qu’en les menaçant de les faire fusiller qu’ils se décidèrent à marcher, On les conduisit en dehors de nos sentinelles volantes : nous observions leurs mouvemens ; ils étaient lents et paraissaient pénibles ; tout-à-coup nous voyons nos vieux nègres s’élancer à la course el danser chica (la danse favorite des noirs) ; je fus anéanti… »

Après avoir terminé leur importante mission par cette scène comique, nos vieilles gens rejoignirent bientôt Dessalines qui, de son côté, se prépara à recevoir les braves auxquels il avait fait transmettre ses ordres.

Dans la soirée du 24 mars, la garnison du fort sortit dans le plus profond silence, en y laissant ses blessés et quelques canonniers blancs qui ne la suivirent pas[1]. Elle essaya de passer à travers la ligne des divisions Dugua et Boudet devenues celle de Pamphile de Lacroix : repoussée de ce côté, elle se dirigea sur la gauche de la division Rochambeau, où elle s’ouvrit un passage à la baïonnette, avec la plus grande intrépidité. Magny, Lamartinière et leurs courageux compagnons rejoignirent Dessalines au morne du Calvaire, sur la route du Petit-Cahos.

  1. Descourtilz, le naturaliste, s’évada dans la retraite et fut joindre les Français.