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de même que Dessalines avait conçu une haute estime pour la valeur et les talens militaires de Pétion au siège de Jacmel, de même Pétion en conçut pour la bravoure et l’énergie que Dessalines déploya à la Crête-à-Pierrot. C’est ce sentiment mutuel qui les rapprocha peu de mois après, et qui les unit pour commencer la guerre sacrée de l’indépendance.

Remarquons néanmoins que lorsque le bombardement eut lieu, Dessalines n’était plus dans le fort : c’était Magny, destiné à estimer, à aimer, à chérir Pétion un jour, en recevant de sa part les témoignages de la plus sincère amitié ; c’était Lamartinière, l’un de ces braves officiers de la légion de l’Ouest qui, avec Pétion, avait si bien défendu la cause que soutenait Rigaud dans la guerre du Sud. La haine, la vengeance n’existaient donc pas dans le cœur de Pétion : le devoir militaire seul dirigeait sa conduite, d’accord avec les idées politiques.

Enfin, après deux jours de canonnade et de bombardement continus, les parapets du fort de la Crête-à-Pierrot n’offraient plus qu’un faible abri aux assiégés ; ils manquaient d’eau, de nourriture, ayant encore des munitions. Ils avaient satisfait à l’honneur militaire, en défendant ce point avec toute la vigueur possible ; ils avaient repoussé les attaques successives de quatre divisions françaises, composées des meilleurs soldats de cette République qui avait fait trembler les rois en Europe ; ils avaient blessé plusieurs braves généraux, même le capitaine-général : la perte des Français était considérable. En avouant le chiffre de 1500 hommes tués dans les divers assauts, P. de Lacroix dit d’un autre côté : « Notre perte avait été si considérable qu’elle affligea vivement le capitaine-général Leclerc : il nous engagea, par politique, à la pallier