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devenir vainqueur de l’armée française ? Dessalines lui-même ne formait pas ce vœu : il combattait comme tous les autres officiers supérieurs, comme le dernier des soldats, par honneur militaire. T. Louverture était à bout de son prestige et de sa puissance, depuis qu’il avait immolé Moïse pour plaire aux colons, pour satisfaire sa vengeance personnelle[1] ; son rôle politique était fini ; il ne pouvait organiser une guerre qui eût pour but l’expulsion des Français, d’un pays qu’il avait rendu français plus que jamais, par son alliance avec les colons.

Il fallait donc l’anéantir par les armes, pour arriver à une situation qui ne pouvait se dessiner que lorsqu’on aurait vu le capitaine-général Leclerc et ses généraux à l’œuvre, dans l’administration du pays. Le gouvernement consulaire avait déclaré que la liberté générale subsisterait à Saint-Domingue et à la Guadeloupe ; il fallait attendre pour reconnaître jusqu’à quel point cette déclaration était sincère. Certes, on peut croire que l’opinion de Pétion, personnellement, était assez fixée à ce sujet, depuis qu’à Paris il avait compris l’intention que ce gouvernement avait d’envoyer à Madagascar, tous les officiers jaunes et noirs qu’on envoya à Saint-Domingue ; mais il fallait des faits visibles à tous les yeux, pour arriver à

  1. Le 1er septembre 1799, le jour même où Moïse entrait au Môle, abandonné par R. Desruisseaux et Bellegarde, il adressa à T. Louverture une lettre où il lui reprochait de ne pas faire payer ses troupes, comme faisait Rigaud ; de ne pas écouler ses conseils, en lui disant toujours qu’il est une jeune tête ; que lui, Moïse, est toujours en avant pour son service, et exposé au mécontentement des soldats, etc. Enfin, il termina cette lettre en demandant sa retraite à T. Louverture, afin de travailler pour nourrir sa famille et donner de l’éducation à ses enfans.

    Nous avons vu cette lettre au ministère de la marine. On conçoit alors pourquoi, avec tant d’autres motifs, T. Louverture fil périr son neveu à la fin de 1801.