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hommes éclairés de la race noire étaient en faveur de la cause de Rigaud ; car tous voyaient les tendances rétrogrades et liberticides de T. Louverture, dans son alliance avec les colons et les émigrés qui se réjouissaient de cette prochaine lutte, dans l’apparence de son entente avec les Anglais, bien qu’il n’y eût rien de réel à ce sujet de la part de ces derniers : le but du général Maitland, en revenant dans la colonie, n’avait été que d’obtenir l’entrée des navires de sa nation.

Que les navires anglais n’aient pas été dans les ports du Sud, cela se conçoit : Rigaud ne l’eût pas souffert. Que ceux des États-Unis s’en soient également abstenus, cela se conçoit encore. Stevens ayant traité avec T. Louverture et Roume, et ces deux autorités marchant d’accord, représentant à ses yeux l’autorité de la France, le gouvernement fédéral devait donner des ordres à cet effet. Mais cette abstention ne prouve nullement, comme l’a dit Kerverseau, qu’il y eut entente entre T. Louverture, Maitland et Stevens, pour faire la guerre du Sud. Le général en chef aura réclamé d’eux, de ne pas approvisionner ce département, pour mieux le réduire ; et ils auront cédé à cette réclamation, pour ne pas perdre les avantages qu’ils avaient obtenus en faveur du commerce de leur pays.

T. Louverture, connaissant les vœux que formaient naturellement les hommes éclairés de la race noire, fit opérer de nombreuses arrestations parmi eux : ce sont ces rigueurs dont parle Kerverseau. Elles établirent la terreur dans tous les lieux soumis immédiatement à son autorité. Des manifestations de mécontentement se firent jour, des plaintes furent poussées ; mais elles ne prouvent pas, comme l’a dit Pamphile de Lacroix, que « Rigaud ourdit un complot dont les ramifications s’étendirent